vendredi 23 janvier 2009

L'invasion de Gaza : l' «Opération plomb jeté» n’est qu’une étape dans l’échéancier militaire élaboré par les services secrets israéliens

Par Michel Chossudovsky, Global Research, 4/1/2009. Traduit par Isabelle Rousselot et révisé par Fausto Giudice, Tlaxacala.
Les bombardements aériens et l'offensive terrestre en cours à Gaza des forces militaires israéliennes doivent être analysés dans un contexte historique. L'opération «Plomb jeté» est une entreprise soigneusement planifiée, qui fait partie d'un vaste échéancier des services de renseignements israéliens qui a été formulé pour la première fois par le gouvernement du Premier Ministre Ariel Sharon, en 2001 :

"Des sources de la Défense ont déclaré que le ministre de la Défense Ehoud Barak a demandé aux Forces Israéliennes de défense de se préparer pour cette opération il y a plus de six mois, bien qu’Israël ait commencé à négocier un accord de cessez-le-feu avec le Hamas". (Barak Ravid,
Operation "Cast Lead" : Israeli Air Force strike followed months of planning, Haaretz, 27 décembre 2008)

C'est Israël qui a rompu la trêve le 4 novembre 2008, jour de l’élection présidentielle US :

« Israël a utilisé cette diversion pour rompre le cessez-le-feu avec le Hamas, en bombardant la bande de Gaza. Israël prétend que cette violation du cessez-le-feu visait à empêcher le Hamas de creuser des tunnels vers le territoire israélien.

Le jour suivant, Israël déclenchait un siège de terreur sur Gaza, coupant l’approvisionnement en vivres, en carburant, en médicaments et autres produits de première, dans une tentative de « soumettre » les Palestiniens tout en se livrant, au même moment, à des incursions armées.

En réponse, le Hamas et d'autres à Gaza recoururent à nouveau à des tirs de roquettes rudimentaires, artisanales et souvent imprécises, sur Israël. Durant les sept dernières années, ces roquettes ont causé la mort de 17 Israéliens. Pendant la même période, les attaques des guerres-éclair israéliennes ont tué des milliers de Palestiniens, provoquant des protestations au niveau mondial mais face auxquelles les Nations Unies sont restées sourdes. » (Shamus Cooke, The Massacre in Palestine and the Threat of a Wider War/Le massacre en Palestine et la menace d'une guerre plus vaste, Global Research, Décembre 2008).


Un désastre humanitaire planifié

Le 8 décembre 2008, le Secrétaire d'État adjoint Usaméricain, John Negroponte, se trouvait à Tel Aviv pour des discussions avec ses homologues israéliens y compris le directeur du Mossad, Meir Dagan.

L' «opération plomb jeté» a commencé deux jours après Noël. Elle était couplée avec une campagne soigneusement conçue de relations publiques internationales sous les auspices du Ministre des Affaires Étrangères d'Israël.

Les cibles militaires du Hamas ne sont pas les objectifs principaux de l'opération. L'opération « plomb jeté » est destinée, de façon tout à fait délibérée, à causer des victimes civiles.
Nous avons affaire à un «désastre humanitaire planifié» à Gaza, dans une zone urbaine très peuplée. (voir la carte ci-dessous).



L'objectif à long terme de ce programme, comme l'ont formulé les responsables israéliens est l'expulsion des Palestiniens des terres palestiniennes :

« Terroriser la population civile, assurer une destruction maximale de leurs biens et des ressources culturelles... La vie quotidienne des Palestiniens doit être rendue insupportable : ils doivent être enfermés dans les villes, empêchés d'exercer une vie économique normale, coupés de leurs lieux de travail, des écoles et des hôpitaux, ce qui favorisera l'émigration et affaiblira la résistance contre les futures expulsions » Ur Shlonsky, cité par Ghali Hassan, Gaza : The World's Largest Prison/ Gaza : la plus grande prison du monde, Global Research, 2005).


«L'Opération Vengeance justifiée»

Un tournant a été franchi. L'opération «plomb jeté» fait partie d'une vaste opération des renseignements militaires, initiée au départ par le gouvernement d'Ariel Sharon, en 2001. C'est pendant l' «Opération Vengeance justifiée» de Sharon que des avions de combat F-16 furent initialement utilisés pour bombarder des villes palestiniennes. L' «opération Vengeance justifiée » fut présentée en juillet 2001 au gouvernement israélien d'Ariel Sharon par Shaul Mofaz, alors chef d'état-major des Forces de défense israélienne, sous le nom «Destruction de l'Autorité Palestinienne et désarmement de toutes les forces armées».

« Un plan de réserve, au nom de code Opération Vengeance Justifiée» a été établi en juin dernier (2001) afin de réoccuper toute la Cisjordanie et éventuellement la bande de Gaza au prix éventuel de «centaines » de victimes israéliennes.» (Washington Times, 19 mars 2002).

Selon le Jane's Foreign Report (numéro du 12 juillet 2001), l'armée israélienne sous le gouvernement Sharon a réactualisé ses plans en vue d'un « assaut total pour détruire l'Autorité palestinienne , éliminer son dirigeant Yasser Arafat et tuer ou neutraliser son armée».


«Justification du bain de sang»

La « justification du bain de sang » était une composante essentielle de l’échéancier opérationnel militaire et de renseignements. La mort de civils palestiniens était justifiée par des «motifs humanitaires». Les opérations militaires israéliennes étaient soigneusement calculées pour coïncider avec les attaques suicides :

« L'assaut serait donné, à la discrétion du gouvernement, à la suite d'un attentat-suicide de grande ampleur en Israël, causant de nombreux morts et blessés, ce bain de sang constituant une justification. » (Tanya Reinhart, Le Déchaînement du Mal, Global Research, December 2001, emphasis added).

Le plan Dagan

L' «Opération Vengeance Justifiée» désignait également le «Plan Dagan», qui porte le nom de son auteur, le Général [ER] Meir Dagan, qui dirige actuellement le Mossad, le service de renseignements israélien. Le général de réserve Meir Dagan était le conseiller pour la sécurité de Sharon pendant sa campagne électorale en 2000. Il semble que le plan ait été élaboré avant l'élection de Sharon comme Premier Ministre, en février 2001. « Selon l'article d'Alex Fishman dans le quotidien israélien Yediot Aharonot, le Plan Dagan consistait à détruire l'Autorité palestinienne et à mettre Yasser Arafat « hors jeu ». (Ellis Shulman, «Operation Justified Vengeance» : a Secret Plan to Destroy the Palestinian Authority, mars 2001) :

« Comme signalé dans le Foreign Report (Jane's) et révélé localement par le quotidien Maariv, le plan d'invasion d'Israël – d'après certaines informations, surnommé Vengeance justifiée – serait lancé immédiatement après le prochain attentat-suicide causant de nombreuses victimes, durerait environ un mois et aurait pour résultat la mort de centaines d'Israéliens et de milliers de Palestiniens. (ibid, surlignement ajouté).

Le «Plan Dagan» prévoyait la soi-disant «cantonisation» des territoires palestiniens par laquelle la Cisjordanie et Gaza seraient complètement coupées l'une de l'autre, avec des « gouvernements » séparés dans chacun des territoires. C'est selon ce scénario, prévu depuis 2001, qu'Israël aurait :

« négocié séparément avec les forces palestiniennes dominantes dans chaque territoire – les forces palestiniennes responsables de la sécurité, des renseignements et même pour le Tanzim (Fatah). « Le plan ressemble donc beaucoup à l'idée de « cantonisation » des territoires palestiniens, émise par certains ministres. » Sylvain Cypel, The infamous Dagan Plan Sharon's plan for getting rid of Arafat – Le Monde, 17 décembre 2001.


De gauche à droite : Dagan, Sharon, Halevy


Le Plan Dagan a établi une continuité dans l’échéancier opérationnel. A la veille des élections de 2000, Meir Dagan fut affecté à un rôle important. « Il devint «l'intermédiaire» de Sharon, en ce qui concerne les problèmes de sécurité, avec les envoyés spéciaux du Président Bush, Zinni et Mitchell ». Il fut par la suite nommé directeur du Mossad par le Premier ministre Ariel Sharon, en août 2002. Après la période Sharon, il demeura à la tête du Mossad. Il fut reconduit dans sa position de Directeur des renseignements israéliens par le Premier ministre Ehoud Olmert, en juin 2008.
Meir Dagan, en coordination avec ses homologues Usaméricains, a eu en charge plusieurs opérations de renseignements militaires. Il est intéressant de noter que Meir Dagan, en tant que jeune colonel, a travaillé étroitement avec le Ministre de la défense, Ariel Sharon, lors des attaques sur les camps palestiniens à Beyrouth en 1982. L'invasion terrestre de 2009, à bien des égards, ressemble à l'opération militaire de 1982, conduite par Sharon et Dagan.


La continuité de Sharon à Olmert

Il est important de se concentrer sur un certain nombre d'événements clefs qui ont conduit aux massacres à Gaza lors de l' «Opération plomb jeté» :

1. L'assassinat de Yasser Arafat en novembre 2004
Cet assassinat était prévu depuis 1996 avec l'opération connue sous le nom de code « Champs d'épines ». Selon un document datant d'octobre 2000 « élaboré par les services de sécurité, à la demande d' Ehoud Barak, alors Premier Ministre, qui affirmait que « la personne d'Arafat constitue une grave menace pour la sécurité de l'État (d'Israël) et le préjudice que causera sa disparition est moindre que celui causé par son existence ». (Tanya Reinhart, Le Déchaînement du Mal, Global Research, décembre 2001. Des extraits de ce document ont été publiés par le quotidien Ma'ariv en date du 6 juillet 2001).

L'assassinat d'Arafat fut ordonné en 2003 par le cabinet israélien. Il fut approuvé par les USA qui opposèrent leur veto à la résolution de sécurité des Nations Unies condamnant la décision de 2003 du cabinet israélien. Réagissant aux attaques palestiniennes en augmentation, en août 2003, Shaul Mofaz, le Ministre de la Défense israélienne déclara "la guerre totale" aux militants qu'il jura de "détruire".

« A la mi-septembre, le gouvernement israélien émit une loi pour se débarrasser d'Arafat. Le cabinet israélien pour les affaires de politique sécuritaire déclara qu’il s’agissait d’une « décision d'éliminer Arafat en tant qu’ obstacle à la paix. » Mofaz menaça : « Nous choisirons la meilleure façon et le meilleur moment pour tuer Arafat. » Le Ministre palestinien, Saeb Erekat déclara sur CNN qu'il pensait qu'Arafat était la prochaine cible. CNN demanda au porte-parole de Sharon, Ra'anan Gissan si le vote signifiait l'expulsion d'Arafat. Gissan précisa « le vote ne signifie pas cela ». Le Cabinet a décidé aujourd'hui de supprimer cet obstacle. Le moment, la méthode, la manière dont cela se déroulera seront décidés séparément et les services de sécurité surveilleront la situation et donneront leurs recommandations pour agir de façon appropriée. » (voir l'article de Trish Shuh, Road Map for a Decease Plan,
http://www.mehrnews.com/, du 9 novembre 2005.

L'assassinat d'Arafat faisait partie du Plan Dagan de 2001. Selon toute probabilité, il a été mené par les services secrets israéliens. Il était destiné à détruire l'Autorité Palestinienne, à alimenter les divisions au sein du Fatah ainsi qu'entre le Fatah et le Hamas. Mahmoud Abbas est un quisling palestinien. Il a été installé à la tête du Fatah, avec l'approbation d'Israël et des USA, qui financent les forces paramilitaires et de sécurité de l'Autorité palestinienne.

2. Le retrait de toutes les colonies israéliennes de la bande de Gaza, sous les ordres du Premier ministre Ariel Sharon en 2005. Plus de 7000 colons juifs furent délocalisés.

« Mon intention (Sharon) est de mener une évacuation – pardon, une relocalisation – des colonies, sources de problèmes et des lieux qui ne seront de toutes façons, pas retenus dans les accords définitifs, comme les colonies de Gaza... Je pars du principe que dans l'avenir, n'y aura plus de Juifs à Gaza, » a déclaré Sharon (CBC, mars 2004).

La question des colonies à Gaza a été présentée dans le cadre de la « feuille de route pour la paix » de Washington. Célébrée par les Palestiniens comme une « victoire », cette mesure n'était pas dirigée contre les colons juifs. Bien au contraire : cette mesure faisait partie d'une opération secrète globale, qui consistait à transformer Gaza en un camp de concentration. Tant que les colons juifs vivaient à l'intérieur de Gaza, l'objectif de maintenir un vaste territoire prison entièrement verrouillé ne pouvait pas être achevé. La mise en application de «l'opération plomb jeté» nécessitait qu'il n'y ait plus de Juifs à Gaza ».


3. La construction de l'infâme mur de l'apartheid a été décidée dès le début du gouvernement Sharon (voir la carte ci-dessous)



4. La prochaine étape était la victoire électorale du Hamas en janvier 2006. Sans Arafat, les chefs des renseignements militaires israéliens savaient que le Fatah sous Mahmoud Abbas perdrait les élections. Tout ceci faisait partie du scénario qui avait été envisagé et élaboré de longue date.

Avec le Hamas à la tête de l'Autorité Palestinienne, se servant du prétexte que le Hamas est une organisation terroriste, Israël pourrait mener son projet de « cantonisation » énoncé dans le Plan Dagan. Le Fatah sous Mahmoud Abbas demeurerait officiellement responsable en Cisjordanie. Le gouvernement du Hamas, dûment élu, serait confiné dans la bande de Gaza.


L'offensive terrestre sur Gaza
Le 3 janvier 2009, les chars et l'infanterie israéliens sont entrés dans Gaza pour une offensive totale sur le terrain :

« L'opération terrestre a été précédée de quelques heures par des tirs d'artillerie lourde à la tombée de la nuit, faisant exploser les cibles et embrasant le ciel. Des fusils mitrailleurs ont crépité tandis que des balles traçantes brillaient et lançaient des éclairs à travers l'obscurité et que l’explosion de centaines d'obus émettait des trainées de feu. (AP, 3 janvier 2009).

Des sources israéliennes ont indiqué qu'ils s'engageaient dans une opération militaire de longue durée. «Ce ne sera pas facile et ce ne sera pas bref », a indiqué le ministre de la Défense, Ehoud Barak, lors d'une allocution télévisée.

Israël ne cherche pas à forcer le Hamas «à coopérer». Nous avons affaire ici à une mise en application du «Plan Dagan» comme il a été formulé à l'origine en 2001 et qui appelait à :

« une invasion du territoire contrôlé par les Palestiniens par environ 30 000 soldats israéliens, avec la mission clairement définie de détruire l'infrastructure des dirigeants palestiniens, de récupérer l'arsenal actuellement en possession des différentes forces palestiniennes et d'expulser ou de tuer ses dirigeants militaires. (Ellis Shulman, op cit, surlignement ajouté).

La question plus étendue est de savoir si Israël, en concertation avec Washington, a l'intention de déclencher une guerre plus vaste.

Des expulsions de masse pourraient se produire ultérieurement lors de l'invasion terrestre, si les Israéliens ouvraient les frontières pour permettre un exode de la population. Ariel Sharon désignait l'expulsion comme « une solution dans le style de 1948 ». Pour Sharon, « il est indispensable de trouver un autre État pour les Palestiniens. « La Palestine, c’est la Jordanie», était la phrase forgée par Sharon. » (Tanya Reinhart, déjà citée).

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