Bobby Seale a co-fondé le Black Panther Party. La star de Rythm and Blues D'Angelo prend position sur l'injustice raciale dans son nouvel album. Tous deux se sont rencontrés à Oakland, en Californie. Photo de Zackary Canepari pour le New York Times.
Oakland, Californie. - Au début de juin, avant la fusillade à Charleston, Caroline du Sud, le chanteur de RnB D'Angelo se tenait sous l'auvent rouge sang de la boulangerie It’s All Good, regardant dans la fenêtre de l'immeuble qui a servi de premier bureau au Parti des Panthères Noires. Autre lieu de la tournée du souvenir, sous un réverbère de la Septième Avenue, où se tenait le groupe pour sa première action de surveillance de la police.
Dans la foulée des récents assassinats d'hommes africains-américains désarmés, D'Angelo a ressenti une frustration de plus en plus grande face à l'injustice raciale et a commencé à regarder les mouvements politiques du passé à la recherche d' idées de changement. "Il doit bien y avoir un moyen, non?", demande-t-il à son guide, Bobby Seale.
"On ne peut pas se contenter d'être assis à argumenter et débattre," répond M. Seale, qui a formé les Black Panthers avec Huey P. Newton en 1966. Tout au long de la soirée, M. Seale a souligné l'importance d'obtenir plus d'élus africains-américains : "Si vous obtenez des sièges politiques, vous faites les lois, vous les changez", dit-il.
D'Angelo, sortant du siège du passager, avec Bobby Seale, un fondateur des Black Panthers, au cours de leur tour d'Oakland, en Californie. Photo Zackary Canepari pour The New York Times
D'Angelo, 41 ans, et M. Seale, 78 ans, s'étaient rencontrés pour la première fois quelques heures plus tôt, mais la tournée des hauts lieux de l'action des Black Panthers à Oakland et à Berkeley avaient été préparée pendant des semaines, sur la suggestion de D'Angelo, qui a commencé à s'intéresser pour les groupes militants dès son adolescence à Richmond, en Virginie. (Un journaliste a été invité à les accompagner).
Pendant plus d'une décennie, D'Angelo a été absent de la scène publique, submergé par l'écho rencontré par son album triomphal de 2000, "Voodoo". Mais il a été depuis longtemps préoccupé par les questions d'inégalité raciale et de brutalité policière, dit-il, et après le meurtre de Michael Brown à Ferguson, dans le Missouri, l'année dernière, il s'est senti obligé de parler. En décembre, il a surpris les fans en publiant soudainement l'album "Black Messiah", nommé d'après un terme utilisé par J. Edgar Hoover [directeur du FBI de 1924 à 1972, NdT] pour décrire tout leader noir charismatique capable de galvaniser un mouvement. L'album contient un commentaire social mordant qui interpelle. Dans le morceau "The Charade," D'Angelo chante, :"Tout ce que nous voulions, c'était était une chance de parler / Au lieu de ça, on s'est retrouvés avec notre silhouette tracée à la craie». (D'Angelo et les Vanguard se produiront au Forest Hills Stadium dimanche).
M. Seale a été un militant depuis un demi-siècle. Il a servi de porte-parole pour les Panthères à la fin des années 1960 et a mis fin à ses relations avec le groupe en 1974, après avoir renoncé à la violence. Comme l'un des Huit de Chicago, avec d'autres manifestants il a été inculpés de complot et d'incitation à l'émeute après la Convention nationale du Parti démocrate de 1968 à Chicago. Le procès de M. Seale a été dissocié de la procédure, et il a été emprisonné pour outrage de 1969 à 1972.
Vêtu d'un blouson en daim noir avec bibi assorti, D'Angelo donne l'image d'un étudiant enthousiaste et patient qui a fait ses recherches lorsque lui et M. Seale, en kaki et la cravate défaite, ont fait leur tour à bord d'une Ford Falcon convertible de 1964. Au cours du dîner plus tard dans la soirée, ils ont continué une discussion passionnée sur l'action politique et le rôle des musiciens pour inspirer le changement social. Voici des extraits rédigés de la conversation.
D'Angelo, vous semblez presque avoir le vertige en présence de M. Seale.
D'ANGELO C'est un rêve. C est très rare de pouvoir rencontrer un de vos héros. C est comme ce gars, Phoenix Jones, à Seattle, qui s'habille comme un super-héros. Mais ça, c'est la vraie vie. Bobby ne s'est pas déguisé.
D'Angelo, à droite, avec M. Seale à Berkeley, en Californie. Photo Zackary Canepari pour The New York Times
SEALE Merci, frère.
Avec "Black Messiah," vous avez affiché un côté politique qui n'était pas présent auparavant dans votre musique.
D'ANGELO je l'ai toujours essayé de faire quelque chose d'un peu différent des simples chansons du style "Je t'aime, bébé". Comme "Brown Sugar", c'était une métaphore, ou un double sens, si vous voulez. Beaucoup de gens pensaient que je parlais d'une fille alors que je parlais d'autre chose. J'ai essayé d'aborder certaines questions dans " Devil’s Pie". Mais pour cet album en particulier, avant même que les chansons soient, je savais que son nom allait être "Black Messiah". Il ya aussi des chansons qui ne sont pas dans l'album, mais que je vais publier à l'automne. J'ai une chanson intitulée " Go and Tell Bro".
SEALE Pas COINTELPRO, " Go and Tell Bro"? *
D'ANGELO Exact. Le refrain dit [il chante] : «Chaque fois que je tourne la tête, c' est toujours et encore la même chose, ce n'est pas bien différent de ce que c' était à l'époque."
SEALE Ce qui s'est glissé dans ma tête à ce moment-là, c'est qu'il faut parler à nos frères d'obtenir un plus grand contrôle de la communauté sur la police par rapport à la question de Black Lives Matter [Les vies noires, ça compte, mouvement né après les meurtres de Michael Brown et Eric Garner, NdT].
SEALE Pas COINTELPRO, " Go and Tell Bro"? *
D'ANGELO Exact. Le refrain dit [il chante] : «Chaque fois que je tourne la tête, c' est toujours et encore la même chose, ce n'est pas bien différent de ce que c' était à l'époque."
SEALE Ce qui s'est glissé dans ma tête à ce moment-là, c'est qu'il faut parler à nos frères d'obtenir un plus grand contrôle de la communauté sur la police par rapport à la question de Black Lives Matter [Les vies noires, ça compte, mouvement né après les meurtres de Michael Brown et Eric Garner, NdT].
Une protestation à Washington contre l'assassinat de Michael Brown. Photo José Luis Magana / Associated Press
D'ANGELO Oui. [il chante] : "Ta tête est mise à prix / Voilà, voilà que ça recommence." Il y a tellement de parallèles entre maintenant et votre époque. Et c'est le même combat avec la police.
SEALE C'est vrai. C'est incontournable
SEALE C'est vrai. C'est incontournable
Qu'est-ce qui vous vient à l'esprit quand vous voyez des jeunes hommes et femmes noire descendre dans la rue?
D'ANGELO Je vais vous dire ce que je ressens: je trouve ça super. Ce qu'on appelle une émeute, mois j'appelle une révolte. À mon humble avis, le mot «émeute» est utilisé par les médias pour récuser ou dénaturer ce qui se passe réellement. Tout le monde sait que le pillage et l'incendie sont la voix des sans-voix.
SEALE Ce qui m'a fait plaisir à propos de Ferguson, c'était que le gouvernement fédéral est intervenu pour enquêter. Je veux voir 1001 personnes comme la sœur de Baltimore [la procureure] Marilyn Mosby. Elle a utilisé son pouvoir, le pouvoir politique que lui donne sa fonction, pour inculper [les six officiers de police accusés d'implication dans la mort de Freddie Gray à Baltimore en avril]. Une mise en accusation devant un grand jury fédéral. Je me suis dit : vas-y, ma sœur!
Est-ce que vous trouvez que les manifestations servent à quelque chose ? Les Panthères n'en ont jamais été des grands fans.
SEALE Oh, bien sûr! Mais combien de personnes qui sont des élus, font les bonnes choses ?
D'ANGELO Les entreprises financent ces prisons privées, et elles en construisent à gauche et à droite et les enfants sortent tout droit de l'école pour aller dans ces prisons. C'est comme un esclavage moderne. Michelle Alexander a écrit ce livre "The New Jim Crow." C'est démoralisant. Ça s'est toujours passé comme ça. Et on en est toujours au même point.
D'ANGELO Les entreprises financent ces prisons privées, et elles en construisent à gauche et à droite et les enfants sortent tout droit de l'école pour aller dans ces prisons. C'est comme un esclavage moderne. Michelle Alexander a écrit ce livre "The New Jim Crow." C'est démoralisant. Ça s'est toujours passé comme ça. Et on en est toujours au même point.
Est-ce que la musique peut contribuer à provoquer le changement social?
D'ANGELO Maintenant plus que jamais il est nécessaire de chanter à ce sujet et d’écrire des chansons à ce sujet. Et personne ne le fait. Il n'y a que deux ou trois élus qui le font. Je pense qu'un petit flocon de neige suffit pour commencer une boule de neige qui va dévaler de la colline. Ma contribution et disons, celle de Kendrick Lamar et de quelques autres démarrent la boule de neige. Voilà tout ce que je peux espérer. Je ne sais pas si je suis à l'aise dans le un rôle de leader entre guillemets. Mais je réalise et je comprends mon rôle en tant que musicien, comme medium, et je sais que les gens m'écoutent. Les jeunes m'écoutent. Nous avons le pouvoir d'influencer les esprits et d'influencer les vies. Je respecte donc ce pouvoir. Je le fais vraiment. Je ne vais pas me mettre sur un piédestal ou quelque chose comme ça. Je pense que c'est dangereux. Lorsque vous commencez à jouer avec ça, et que vous ne faites pas attention, vous pouvez vous attirer des ennuis.
SEALE C' est juste. Mon pote Huey Newton lui-même a eu des ennuis.
D'ANGELO Ceci, la musique de mon époque était très consciente. J'ai grandi avec Public Enemy, et c'était la culture populaire d'être conscient. Les gens portaient des T-shirts et des chapeaux Malcolm X. C'était très cool de savoir qui était Malcolm X. C'était dans les paroles des chansons. C'était à la mode d'être conscient. Aujourd'hui, la tendance est juste ... [juron]. Mais pour vous dire la vérité, il ya beaucoup de gens qui se sentent les choses comme moi et qui font de la bonne musique, de la musique consciente. Mais pour une raison ou une autre, il semble que ceux qui tiennent le manche ne permettent pas à ce genre de choses de passer dans le mainstream. Kendrick Lamar, c' est l'exemple de quelqu'un qui est jeune et essaye de dire quelque chose. Qui d'autre? Vous avez Young Jeezy et Young Thug. Vous savez ce que j'en pense ? C' est stupide. C'est ridicule.
SEALE C' est juste. Mon pote Huey Newton lui-même a eu des ennuis.
D'ANGELO Ceci, la musique de mon époque était très consciente. J'ai grandi avec Public Enemy, et c'était la culture populaire d'être conscient. Les gens portaient des T-shirts et des chapeaux Malcolm X. C'était très cool de savoir qui était Malcolm X. C'était dans les paroles des chansons. C'était à la mode d'être conscient. Aujourd'hui, la tendance est juste ... [juron]. Mais pour vous dire la vérité, il ya beaucoup de gens qui se sentent les choses comme moi et qui font de la bonne musique, de la musique consciente. Mais pour une raison ou une autre, il semble que ceux qui tiennent le manche ne permettent pas à ce genre de choses de passer dans le mainstream. Kendrick Lamar, c' est l'exemple de quelqu'un qui est jeune et essaye de dire quelque chose. Qui d'autre? Vous avez Young Jeezy et Young Thug. Vous savez ce que j'en pense ? C' est stupide. C'est ridicule.
D'Angelo et les Vanguard à l'Apollo Theater en février. Photo Tchad Batka pour The New York Times
SEALE Sur [le front] Black Lives Matter, je suis en train de pousser les jeunes de ces groupes à devenir plus politiques et plus électoraux : vous devez prendre en charge certains de ces sièges. Et vous devez obtenir plus de Mosby élus à certains de ces postes politiques. Et vous devez mettre certaines mesures sur le bulletin de vote. Je n'ai démarré le Black Panther Party qu'en 1966. C'était l'année où Stokely Carmichael a lancé le pouvoir noir. Ils ont compris que nous avons besoin de sièges politiques. Vous pouvez changer l'ensemble du spectre. Vous pouvez changer les lois de la ville. C'est ce que vous faites.
Un problème majeur est en ce moment, ce sont certaines villes où la police n'a aucun lien avec les communautés où elle patrouille.
SEALE Il y a de bons flics, des flics corrects. Ils ne passent pas leur temps à brutaliser les gens pour le plaisir de les brutaliser. Ce sont mes amis. Je veux que les gens fassent cette distinction. Je sais pourquoi les émeutes se sont produites, et je sais qu'elles vont se produire tant que nous aurons cette brutalité policière endémique passe et qu'il n'y a pas de justice. Mais je décourage ça. J'ai écrit carrément sur ma page Facebook : "Nous n'assassinons pas de policiers ! Nous ne nous abaissons pas au niveau minable d'un meurtrier, d'un fasciste, d'un raciste, etc. Nous ne faisons pas cela! "
D'ANGELO C'est vraiment une question de prise de conscience. Avant de pouvoir vraiment changer quelque chose, vous devez savoir ce que vous essayez de changer. Vous devez connaître les forces qui sont contre vous et qui essayez de vous briser. Nous parlons des problèmes de la communauté noire : la décimation de la famille noire, l'incarcération de masse des hommes noir; nous parlons de la brutalité de la police contre les Noirs. Du système éducatif.
SEALE. De l'exploitation économique
D'ANGELO Ouais. Je dis ça dans ma chanson "The Charade": "Ramper dans un dédale systématique de mort". Parce que c' est vraiment une décimation systématique que nous affrontons. Et si on veut changer ça, nous devons d'abord réaliser que c'est ce qui nous arrive. On a besoin d'un véritable programme, d'un comité central, d'un type quelconque de leadership. Sinon,ça finira que par n'être qu'un hashtag, #Black Lives Matter. Je ne pense que c' est plus qu'une déclaration. C'est un mouvement. Mais j'ai peur qu'il risque de n'aller nulle part. Juste de finir en eau de boudin.
SEALE Il faut le maintenir en vie. On ne peut pas le laisser retomber.
D'ANGELO C'est vraiment une question de prise de conscience. Avant de pouvoir vraiment changer quelque chose, vous devez savoir ce que vous essayez de changer. Vous devez connaître les forces qui sont contre vous et qui essayez de vous briser. Nous parlons des problèmes de la communauté noire : la décimation de la famille noire, l'incarcération de masse des hommes noir; nous parlons de la brutalité de la police contre les Noirs. Du système éducatif.
SEALE. De l'exploitation économique
D'ANGELO Ouais. Je dis ça dans ma chanson "The Charade": "Ramper dans un dédale systématique de mort". Parce que c' est vraiment une décimation systématique que nous affrontons. Et si on veut changer ça, nous devons d'abord réaliser que c'est ce qui nous arrive. On a besoin d'un véritable programme, d'un comité central, d'un type quelconque de leadership. Sinon,ça finira que par n'être qu'un hashtag, #Black Lives Matter. Je ne pense que c' est plus qu'une déclaration. C'est un mouvement. Mais j'ai peur qu'il risque de n'aller nulle part. Juste de finir en eau de boudin.
SEALE Il faut le maintenir en vie. On ne peut pas le laisser retomber.
NdT
*Jeu de mots intraduisible : COINTELPRO était un programme secret du FBI pour combattre tous les mouvements dissidents aux USA, en vigueur de 1956 à 1971, qui a provoqué notamment la mort de 27 militants des Panthères noires et 69 de l'American Indian Movement.
*Jeu de mots intraduisible : COINTELPRO était un programme secret du FBI pour combattre tous les mouvements dissidents aux USA, en vigueur de 1956 à 1971, qui a provoqué notamment la mort de 27 militants des Panthères noires et 69 de l'American Indian Movement.
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