lundi 17 août 2015

Grèce : La nuit des dupes
Une nuit qui dure depuis cinq ans et demi

par Christine Cooreman, 17/8/2015

Au petit matin du vendredi 14 août, le Parlement grec a adopté le 3ème Mémorandum, autrement dit le "plan de sauvetage", qui impose à la Grèce une série de "réformes" meurtrières en échange d'un nouveau prêt de 85 milliards d'euros. Au total, 222 élus ont voté pour, 64 se sont prononcés contre – dont une trentaine membres de Syriza, y compris l’ex-ministre des Finances Varoufakis –, 11 se sont abstenus (3 députés étaient absents). Le texte a donc été validé à la majorité grâce au soutien des trois grands partis d’opposition, Nouvelle Démocratie (conservateur), le Pasok ("socialiste") et To Potami ("centre gauche"). Christine Cooreman nous raconte comment elle a vécu ces heures noires.-Tlaxcala

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"La nuit du 13 au 14 août 2015"
Dimitris Hantzopoulos,  quotidien I Kathemirini du 14 août 2015
D'habitude, je traduis (c'est ce que je fais pour gagner mon pain quotidien). Je ne dis pas ce que moi je pense. Mais, ce coup-ci, ce sera différent. Quoique, dans un sens, il s'agira de nouveau de traduire. Mais, ce sera traduire en mots tout un vécu. Celui de la journée du 13 et de la nuit du 13 au 14 août : le coup de grâce...
Cela fait plus de cinq ans maintenant que je lis, j'écoute, je discute et me dispute, pour comprendre ce qui nous est tombé sur la tête, ici, en Grèce et, là, en « Europe ». Je n'ai jamais été conservatrice (sauf en 1e primaire où je passais tous les matins saluer la directrice de l'école...) et ce que j'avais connu de plus « à gauche » était le parti communiste grec de la fin des années 70 et du début 80. La dictature des colonels m'avait très peu touchée (j'avais 11 ans et des poussières quand ils ont dû quitter le pouvoir) mais j'avais vécu une certaine mentalité (celui du caporal ou du contrôleur de bus qui se croit investi du pouvoir suprême et sorti de la cuisse de Jupiter....).
J'étais absente de Grèce entre 1982 et septembre 1990. Donc, certaines choses bien importantes, je ne les ai pas vécues de première main. Mais, j'ai eu le temps de vivre LE « changement », avec l'arrivée d'Andréas Papandréou au pouvoir. « La Grèce appartient aux Grecs » (et « la mer Égée appartient à ses poissons », comme on pouvait lire sur certains murs...). Je suis partie alors que le mouvement de l'antipsychiatrie grandissait... je suis allée étudier la psychologie clinique. Après la première année, le mouvement avait déjà dégonflé... mais, moi j'ai poursuivi.
Tout ça, pour planter le décor et dire que je ne parlerai pas en expert...
Ainsi, les mesures d'austérité ont commencé à pleuvoir depuis cinq ans. Des mesures « inévitables », « méritées » selon d'aucuns... Nous avons appris des termes nouveaux : service de la dette publique, FSM, BCE, EFSF, créanciers, mémorandum, souveraineté nationale, solidarité... des commissaires aux noms étrangers nous « expliquaient » que nous avions mal vécu dans un État qui n'en n'était pas un et qu'ils allaient nous fournir toute « l'assistance » nécessaire pour que nous devenions finalement un État digne de ce nom ! Certains Grecs -des politiciens, des industriels, des « intellectuels », surtout – considéraient que le « mémorandum » était une bénédiction...
Les mémorandums ont « avalé » un nombre non négligeable de gouvernements élus ou plantés par les bons soins de nos « partenaires » européens.
Entre-temps, nous avons fait plus ample connaissance avec l'extrême-droite, le chômage croissant, l'injustice profonde des mesures, les suicides, les dispensaires sociaux gérés par des médecins bénévoles qui voulaient suppléer aux lacunes de l’État qui ne faisait que se réduire au fil du temps et des mesures.
Non, les Grecs n'ont pas accepté leur sort. Ils se sont soulevés. Ce premier été-là, les places furent occupées par des milliers d'indignés... ils réclamaient haut et fort la chute du gouvernement, le respect de la Constitution, la dignité, enfin ! Ils se sont battus au point d'être battus (par les « forces de l'ordre » et par ce que d'aucuns appellent « les pompiers », ceux qui disaient « attendez un peu, nous viendrons au pouvoir et vous verrez... », mais nous y reviendrons...)
La guerre psychologique fut menée (et l'est toujours) de manière magistrale. Le coup du fouet et de la carotte, la torture de la goutte, la culpabilisation, la flatterie, tout y passe... et surtout le terrorisme, sous toutes ses formes...infligé par les chaînes de TV privées et les journalistes dont certains seraient à la solde de divers employeurs plutôt louches…Ne PAS suivre les JT et émissions d’info en tout genre relève de la survie psychologique…
Comprends-moi bien. Des gens comme toi et moi, qui s'en sortaient tant bien que mal jusque-là, se sont soudain retrouvés en train de devoir à tout le monde : banques, fisc, sécurité sociale... tout... On finit par se demander si on ne va pas taxer l’air qu’on respire…
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