Rabha
Attaf s'est rendue en Algérie en juillet dernier et en a rapporté ce
reportage, d'où il ressort que les affrontements "ethniques" de Ghardaïa
dégagent une forte odeur de…gaz de schiste
Puis, en avril 2015, 10 000 gendarmes ont été déployés pour mettre un terme aux affrontements meurtriers. Postés tel un cordon sanitaire à l'entrée des sept ksours mozabites -villages fortifiés surplombant les autres quartiers de Ghardaïa- ils veillent, sous une chaleur caniculaire, à maintenir un calme artificiel. Les policiers, venus en renfort de l'ouest du pays, n'avaient pas réussi à mater les belligérants. Pas étonnant : la police nationale algérienne est le premier employeur de jeunes diplômés au chômage, rapidement opérationnels après une formation sommaire. Trop jeunes et inexpérimentés, d'après des témoins, ils avaient été accusés de prendre parti contre les Mozabites et de protéger les « Cha'anba » -le nom de tribu utilisé pour désigner d'une façon lapidaire les « envahisseurs arabes » bien que les Cha'anba soient eux aussi de souche berbère, comme les Mozabites.
Malgré ce déploiement, les affrontements ont continué crescendo jusqu'en juin, de façon sporadique -à coups de jets de pierres, de coktails Molotov, de « tire-boulons » (frondes bricolées) et d'armes artisanales en tout genre- avec comme principaux foyer Berriane et El Guerrara, deux localités aux vastes palmeraies proches de Ghardaïa. Car très vite le conflit, apparemment déclenché par des bandes rivales de jeunes aux allures de «hooligans », s'est transformé en guérilla idéologique sous la pression d'agitateurs « vedettes » crachant leur venin sur les réseaux sociaux. Les noms utilisés pour désigner l'adversaire -« Ibadites » contre « Malékites », « Amazigh » contre « Arabes »- ont en effet jeté de l'huile sur le feu et fabriqué un véritable climat d'affrontements communautaires.
Précisons que le M'zab est le fief traditionnel des Mozabites, ayant adopté le rite ibadite au VIIIème siècle. Sur les 400 000 habitants que compte Ghardaïa, ils sont 300 000, traditionnellement commerçants ou propriétaires fonciers. Mais depuis 1984, la composition sociologique de la ville -devenue capitale régionale- s'est modifiée, avec l'afflux d'Algériens venus des autres régions pour y travailler dans les complexes pétroliers ou occuper des postes d'encadrement dans l'administration qui se mettait en place. Ainsi, les Mozabites, qui forment une micro-société organisée particulièrement puritaine et pratiquant l'entre-soi, se sont sentis envahis par ces Algériens aux mœurs trop laxistes à leur goût.
« Notre communauté est contrôlée d'une façon stricte », m'expliquait un jeune érudit mozabite rencontré dans le ksar d'El-Mlika (La Reine) qui domine la ville. « Le Conseil des 'Azzaba (conseil des Sages) veille au respect de la loi religieuse et chaque groupe est encadré. Contrairement aux Arabes, nos jeunes sont surveillés !». Et comme en écho à ce discours, des versets coraniques psalmodiés à l'unisson par des enfants s'échappaient de la mosquée toute proche. « Le conflit ne date pas d'hier », poursuivait-il sur sa lancée. « Nous, nous sommes des commerçants travailleurs et pacifiques, établis ici depuis des siècles. Alors que les Bédouins, venus plus tard, sont connus pour être des voleurs et des fainéants ! ». Et de m'expliquer que les maisons des Arabes brûlées au sein même des quartiers mozabites le furent en représailles aux incendies criminels de maisons mozabites. Bref, une spirale de violence devenue incontrôlable.
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Ghardaïa vue du ciel |
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