jeudi 23 avril 2009

Durban II: la race et l'administration Obama

Un appel de Danny Glover qui n'a pas été entendu
Traduit par
Allain Jules, révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala,
Original :Race and the Obama Administration, 8/4/2009

Cet appel vibrant de l’acteur, réalisateur et producteur Danny Glover à l’administration Obama pour qu’elle participe à la Conférence Durban II, qui s’est ouverte à Genève le 20 avril n’a malheureusement pas été entendu par le nouveau président. Washington, à l’instar de Tel Aviv et de quelques capitales européennes, a décidé de boycotter cette conférence.

En 2001, je me suis rendu à Durban, en Afrique du Sud, pour me joindre aux dizaines de milliers de personnes qui venaient participer sous l'égide des Nations Unies, à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance. Plus de 2000 provenaient des USA. Un arc-en-ciel de personnes traversant toutes les lignes raciales, ethniques, nationales, de langues, de statuts d'immigration, de religions et bien plus avait rejoint un public aussi divers que varié de toute la planète. Ceci a été une occasion extraordinaire de se rencontrer, de discuter, d’argumenter et d'élaborer des stratégies sur la façon de débarrasser ce monde, de ces maux qui l’accablent depuis longtemps.

Notre participation était parallèle à celle de la délégation officielle US. Et c’est là que nous avons fait face à un énorme défi. L'administration Bush était réticente à l’idée mais avait accepté d’y participer à contrecœur. Pour son équipe de délégués, il n'y avait pas un réel engagement vis-à-vis de la lutte contre le racisme. De même, être le fer de lance du combat contre les autres défis présentés par les discriminations leur importait peu. Lorsqu’ils jugèrent mauvaises certaines parties du document final de 61 pages, ils ont claqué la porte de la conférence à tort. Ce fut un moment dur mais peu surprenant, renvoyant une fois de plus à l’histoire des échecs des USA à tirer sérieusement des conséquences de leur propre legs de racisme, un point récemment soulevé par le nouveau ministre de la Justice Eric Holder.

La Déclaration de 2001 a mis en exergue de puissantes vérités. A titre d’exemple cette citation: « Nous reconnaissons et regrettons profondément les énormes souffrances humaines et le sort tragique de millions d'hommes, de femmes et d'enfants causés par l'esclavage, la traite des esclaves, la traite négrière transatlantique, l'apartheid, le colonialisme, le génocide, et appelons les États concernés à honorer la mémoire des victimes des tragédies passées. Affirmons que, partout où se produiront des actes similaires, ils doivent être condamnés et surtout empêcher qu'elles ne se reproduisent.» Un autre volet du texte indique: « Nous reconnaissons le droit inaliénable du peuple palestinien à l'autodétermination et à la création d'un État indépendant, et nous reconnaissons le droit à la sécurité pour tous les États de la région, y compris Israël, et appelons tous les États à appuyer le processus de paix et à l'amener à une conclusion rapide. »

Aujourd'hui, huit ans plus tard, l'Organisation des Nations Unies a procédé à la convocation de la Conférence d'examen de Durban , à Genève, en Suisse, du 20 avril au 24 avril 2009. Il s’agira d'examiner et d'évaluer les progrès réalisés depuis 2001. Les pays membres ont travaillé pendant deux ans pour élaborer un document final qui évalue l'analyse actuelle et les défis. Ce document appelle à des mesures particulières afin de fournir un soutien et des réparations aussi bien aux victimes de vieilles histoires, comme les descendants des victimes du trafic d’esclaves euro-atlantique qu’à à ceux qui font face à des formes contemporaines de discrimination et de politiques d'apartheid, comme les Rom, les Dalit (Les « intouchables » indiens) et les Palestiniens. L’administration Obama a rejeté cette mouture.

Cette année, nous avons pensé que les choses seraient différentes. Notre pays a gagné une grande partie dans notre longue lutte contre le racisme, en élisant le premier président africain-américain. Et peut-être plus important encore, la mobilisation des personnes qui ont rendu possible l'élection de Barack Obama a engagé dans l’action politique plus de jeunes de couleur, avec d’autres d’origines ethniques et politiques diverses, que peut-être toutes les campagnes précédentes.

Ceci ne doit pas nous faire dormir sur nos lauriers. Il reste beaucoup à faire. Il est donc grand temps que les dirigeants politiques de notre pays posent un nouveau jalon dans le douloureux combat pour la justice et offrent un leadership mondial dans le Forum organisé par les Nations Unies pour combattre le fanatisme et l'injustice.

Dans un effort supplémentaire, pour répondre aux préoccupations de l’administration (US), l'Organisation des Nations Unies a publié un nouveau «document final», dépouillé de tous les éléments considérés comme offensants ou discutables. Pourtant, nous sommes confrontés à la triste réalité que notre président, le premier africain-américain à diriger ce pays, celui-là même qui a galvanisé l'espoir chez les victimes de l'injustice dans le monde entier et les a encouragé à défendre leurs droits avec dignité, n'a pas encore indiqué s'il allait envoyer une délégation officielle ou continuer à s'abstenir de tout ce processus.

2009 marque l’examen de la Conférence de Durban de 2001 contre le racisme. Ce moment doit être une occasion pour l'administration du président Obama de revenir sur le devant de la scène et se joindre aux délibérations visant à faire progresser encore davantage la lutte contre l’injustice. Sans cela, notre histoire de lutte contre le racisme ne peut se réclamer comme étant l’héritage du mouvement des droits civiques dirigé par des personnes comme Fanny Lou Hamer et Dr. Martin Luther King Jr .

Depuis vingt ans, le député John Conyers, doyen du Congressional Black Caucus , a présenté chaque année en place une proposition de loi engageant les USA à former une commission chargée d'étudier si des réparations sont une réponse appropriée à la persistance de l’héritage de l'esclavage dans notre pays. La Conférence d'examen de Durban II ne serait-elle pas l’endroit idéal pour que l'administration Obama apporte son soutien aux recours recommandés par la communauté mondiale des nations pour surmonter les effets du racisme, de l'esclavage, de l'antisémitisme, de l'apartheid et des autres formes de discrimination?

Cette conférence des Nations Unies ne serait-elle pas exactement le bon endroit pour notre nouveau président pour montrer à la face du monde que l’engagement de son administration dans « un changement auquel on peut croire » signifie un rejet de l’héritage terni de violations du droit international, de sabotage de l'Organisation des Nations Unies et d’invocation de « l’exception américaine » pour justifier la fuite des responsabilités dans le leadership mondial que beaucoup dans le monde attendent des USA ?
Pour montrer le changement, ne serait-ce pas une occasion en or, de rappeler au monde que, même si le document final ne met pas en exergue le nom de chaque pays auteur de violations, les USA pensent au moins que chaque groupe de victimes affrontant la discrimination ou pire sur la base de leur identité, en particulier les plus vulnérables et ceux qui sont apatrides et ont besoin d’une attention spéciale de la communauté internationale, devraient être nommés et se voir promettre assistance ?

Cela devrait être l’occasion pour les USA de rejoindre la lutte mondiale contre le racisme, cette lutte que l'administration Bush avait abandonnée avec une telle arrogance. J'espère que le président Obama sera d'accord sur le fait que les USA doivent participer avec d’ autres pays à une mise à plat des questions épineuses du dépassement du racisme et des autres formes de discrimination et d'intolérance et examiner la manière d’offrir des réparations aux victimes. Notre pays a certainement beaucoup à apprendre, et peut-être, pour la première fois depuis longtemps, avons-nous quelque chose à partager avec le reste du monde, par le biais du leadership, en poursuivant notre longue lutte pour vaincre.

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