mardi 7 avril 2009

En Grèce, « Fous (surtout pas) ta cagoule » !

par Fabienne BOIS, 23/3/2009, Tlaxcala

Juan Kavellido, TlaxcalaDepuis quelques temps, Athènes et Thessalonique, en particulier, sont les cibles d'attaques terroristes variées, de faible ampleur mais potentiellement mortelles, et les forces de police ne semblent pas parvenir à maîtriser les groupes de casseurs encagoulés qui sévissent. Les interrogations sur les transformations que doit subir la police grecque sont légion. Le gouvernement a dans un premier temps décidé de l'aider dans son travail, non sans faire grincer quelques dents acerbes.

Une première mesure a donc été annoncée, qui doit permettre d'amplifier le mouvement d'arrestations (pour l'opinion publique, n'en doutons pas, le nombre d'arrestations est un argument convaincant) : dorénavant, le port de la cagoule ou de tout vêtement susceptible de cacher le visage et donc l'identité d'un malfaiteur, constituera un facteur aggravant pour l'accusation. Rires, non dissimulés pour le coup, dans certains journaux : « À présent, les casseurs seront considérés comme des criminels à cause… de leur apparence vestimentaire ! Reste à voir si, après la dictature des années 1920 qui a vu les policiers grecs mesurer la longueur des jupes des femmes, le XXIe siècle va voir les tribunaux débattre de la hauteur des cache-nez, ou de la taille des bonnets et des chapeaux… »

Oui, car si le sens de la mesure se comprend dans le contexte actuel d'impunité effective dont jouissent les fameux porteurs de cagoules, elle semble dans la pratique assez difficile à appliquer. Le pire désordre risque de régner quand, dans les cours d’appel de Grèce, des accusés essaieront de convaincre les juges qu’ils ne portaient pas une cagoule mais un autre couvre-chef, afin d’essayer d’obtenir une diminution de leur peine...

Autre aspect de la mesure dénoncée dans la presse, les relents xénophobes qu'elle fait remonter à la surface : les propos du ministre de la Justice selon lequel : « Le citoyen grec ne craint pas de montrer son visage… Il n’a rien à craindre quand il manifeste » constitue une allusion à peine voilée à la participation d'étrangers dans les actes criminels qui s'enchaînent ces dernières semaines. Evidemment, sans cagoule, tous les chats ne sont plus complètement gris. Mais qui verra-t-on apparaître derrière le masque ? Je n'ai à ce jour pas eu connaissance de statistiques claires concernant le nombre d'immigrés parmi les suspects arrêtés lors des manifestations qui ont débordé, seules des rumeurs circulent dans les journaux à ce sujet.

Après les cagoules, les caméras : la ministre des Affaires étrangères Dora Bakoyannis a déclaré que les caméras qui avaient été installées dans la capitale hellène lors des J.O. de 2004 devaient être réactivées et servir la sécurité des rues de la ville. Cette mesure représenterait un risque d'atteinte aux droits de l'individu (que le gouvernement s'est par avance défendu d'attaquer) et le fait que l'utilisation de ces caméras répond surtout à une demande sécuritaire de la part des Américains, qui s'inquiètent fort du climat de violence en Grèce. Précisons que l'utilisation de ces caméras qui est actuellement restreinte par le Haut Conseil à la protection des données personnelles.

Troisième mesure annoncée, ou à tout le moins discutée: la levée de « l'asile universitaire » (en Grèce, la police n’a pas le droit de pénétrer dans l’enceinte des Universités). Une réflexion est engagée sur le sujet, qui n'est pas nouvelle mais semble s'intensifier puisqu'on estime en haut-lieu qu’il est clair à présent que « la majorité des cocktails Molotov utilisés par les casseurs sont fabriqués dans les laboratoires des universités ».

En fait, plusieurs observateurs signalent dans la presse un fort virage à droite de la part du gouvernement sur les questions de sécurité. « Au nom de la paix sociale et de la lutte contre les phénomènes de violence, on couvre les faiblesses de la police ». On remarque aussi un rapprochement avec les recoins les plus traditionalistes et conservateurs de l'Assemblée, en l'occurrence le parti LAOS (équivalent du FN) qui semble se réjouir de certaines de ces mesures. Le gouvernement, de son côté, évoque les dangers qui menacent la société grecque, et la nécessité de punir les responsables.

Peut-être un rapprochement aussi en vue des (toujours virtuelles mais annoncées sans cesse) élections anticipées au printemps ?


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