par Chris Hedges
Nous sommes à l'orée d'un des moments les plus dangereux de l'humanité
Aleksandr Herzen, s'adressant, il y a un siècle, à un groupe
d'anarchistes qui voulaient renverser le Tsar, leur rappela qu'il
n'était pas de leur devoir de sauver un système mourant, mais de le
remplacer: "Nous pensons être les médecins. Nous sommes la maladie."
Toute résistance doit admettre que le corps politique et le capitalisme
mondialisé sont morts. Nous devrions arrêter de perdre notre énergie à
tenter de les réformer ou de les supplier de changer. Cela ne signifie
pas la fin de la résistance, mais cela implique de toutes autres formes
de résistance. Cela implique d'utiliser notre énergie pour construire
des communautés soutenables qui pourront affronter la crise qui se
profile, étant donné que nous serons incapables de survivre et de
résister sans un effort coopératif.
Ces communautés, si elles se retirent de façon purement survivaliste
sans tisser de liens entre elles, à travers des cercles concentriques
formant une communauté étendue, seront aussi ruinées spirituellement et
moralement que les forces corporatistes déployées contre nous. Toutes
les infrastructures que nous édifions, tels les monastères du Moyen-âge,
devraient chercher à maintenir en vie les traditions artistiques et
intellectuelles qui rendent possible la société civile, l'humanisme et
la préservation du bien commun. L'accès à des parcelles de terres
cultivables deviendra essentiel. Nous devrons comprendre, comme les
moines médiévaux, que nous ne pouvons pas altérer la culture plus large,
qui nous englobe, au moins à court terme, mais que nous devrions être
en mesure de conserver les codes moraux et la culture pour les
générations qui viendront après nous. La résistance sera réduite à de
petits et souvent imperceptibles actes de désobéissance, comme l'ont
découvert ceux qui ont conservé leur intégrité durant les longues nuits
du fascisme et du communisme du 20ème siècle.
Nous sommes à la veille d'une des périodes les plus sombres de
l'histoire de l'humanité, à la veille de l'extinction des lumières d'une
civilisation, et nous allons commencer une longue descente, qui durera
des décennies, sinon des siècles, vers la barbarie. Les élites nous ont
effectivement convaincu du fait que nous ne sommes plus aptes à
comprendre les vérités révélées qui nous sont présentées, ou à combattre
le chaos entrainé par la catastrophe économique et environnementale.
Tant que la masse de gens effrayés et désorientés, gavée d'images
permettant son hallucination perpétuelle, demeure dans cet état de
barbarie, elle peut périodiquement se soulever avec une furie aveugle
contre la répression étatique croissante, la pauvreté étendue et les
pénuries alimentaires. Mais la capacité et la confiance nécessaires pour
remettre en question et défier à petite et grande échelle les
structures de contrôle lui feront défaut. Le fantasme des révoltes
populaires étendues et des mouvements de masse renversant l'hégémonie de
l'État capitaliste n'est que ça : un fantasme.
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