jeudi 3 décembre 2015

La Belle Verte ou la misère linguistique de la bureaucratie tunisienne

par FG, 3/12/2015


Un des moteurs de ce qui est entré dans l'histoire comme la "révolution tunisienne" du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011 était la révolte de dizaines de milliers de jeunes diplômés contre la dictature des semi-analphabètes bilingues, aussi arrogants qu'incompétents, peuplant l'appareil d'État, au service d'un sinistre flic promu au rang de despote et surnommé "Bac moins douze".
Cinq ans après cette "révolution", cette bureaucratie kafkaïenne est toujours en place et il semble bien que seul le cours naturel de la vie en viendra à bout, autrement dit il faudra attendre les départs à la retraite pour que les bureaucrates d'hier soient remplacés par des jeunes, dont rien cependant ne dit qu'ils seront de meilleurs serviteurs de l'intérêt public, vu le niveau catastrophique d'une grande partie de diplômés issus d'un enseignement public produisant en quantités industrielles des "idiots spécialisés" dépourvus de culture générale et n'ayant jamais acquis les outils fondamentaux permettant une maîtrise intelligente des savoirs.


La Tunisie, protectorat français pendant 75 ans, pays indépendant depuis 59 ans, est censée être un fleuron de la francophonie. L'Organisation internationale de la francophonie indique que 6 639 000 des 10 374 000 des Tunisiens (chiffres de 2010) sont des "locuteurs de français", ce qui est une vaste blague. Dans la Tunisie réelle d'aujourd'hui, le français est une étrange langue étrangère, maîtrisé par une infime proportion de la population : plus on s'éloigne du centre-ville de la capitale et on descend en âge, et plus la français est, pour les Tunisiens, du chinois. On ne peut être qu'ébahi par le niveau linguistique de personnes qui ont étudié le français depuis la troisième année de l'école primaire, donc au moins pendant 9 ans d'école obligatoire. Pour ne pas parler des maîtrisards qui hantent les couloirs des ministères. Un maîtrisard a un niveau Bac+4, autrement dit, il a un bagage de 16 ans d'éducation (9 ans d'école primaire et de collège, 3 ans de lycée et 4 ans d'université) pour un salaire mensuel d'environ 700 dinars (=350 €). Et voici ce que les chargés de la communication du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine sont capables de produire comme communication en français :

Vers un nouveau cadre juridique pour les artistes et les créateurs en Tunisie
À l'appui de la mise en place d'un nouveau cadre juridique pour les artistes et les créateurs en Tunisie leur garantissant les droits sociaux et économiques, le Dr belle ministre vert et de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine séance de travail avec des experts de l'Union européenne a eu lieu le vendredi 18 Septembre, 2015, puis de suivre la réalisation d'une étude sur le cadre juridique l'artiste en Tunisie et financé par l'Union européenne dans le soutien au secteur culturel tunisien et l'avancement de son programme. Madame la Secrétaire a souligné lors de la réunion de l'importance du processus venir avec des propositions visant à développer un nouveau cadre juridique en mettant
l'accent sur la socialisation des opérateurs culturels et des artistes dans cette étude. Il convient de noter que ce projet tombe dans les quatre (4) autres projets financés par l'Union européenne sont intéressés dans plusieurs domaines culturels, y compris le développement du rôle de la culture et de la numérisation de la Bibliothèque nationale d'actions et de promouvoir l'importance du patrimoine culturel immatériel.

Ne cherchez pas, c'est du Google Translate.  Le "Dr belle ministre vert" n'est autre que Mme Latifa Lakhdar, ministre de la Culture. "Latifa" veut dire en arabe "douce", et "Lakhdar" "Le vert". Voilà notre historienne féministe devenue une Belle Verte. La diffusion de ce communiqué a évidemment fait jaser dans les chaumières des réseaux sociaux et des médias tunisens. Ce à quoi les petits Pères Ubu du service de communication ont répondu par un mensonge gros comme une maison, que personne n'a avalé : ils ont prétendu qu'ils avaient été victimes de pirates informatiques. À d'autres !

Une autre perle émanant des mêmes services de communication, le même jour

 

Il faudrait peut-être réfléchir à ajouter un autre crime à la liste des crimes contre l'humanité dans l'arsenal juridique international : le crime contre la langue, c'est-à-dire contre la pensée…
Je laisse au journal satirique tunisien lerpesse.com le soin de conclure cette histoire :" C’est ce que l’on appelle « reconnaître ses erreurs ». Dans un nouveau communiqué, le ministère de la culture a annoncé qu’il ne réutilisera plus Google Translate pour traduire ses publications en français. Désormais, tous les employés devront utiliser Reverso pour l’ensemble des communications officielles."

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