Le
quotidien italien il manifesto a publié à titre posthume le dernier
article envoyé le 15 janvier dernier par Giulio Regeni, le jeune
chercheur italien retrouvé mort au Caire le 2 février, après avoir
disparu le 25 janvier. Son corps portait des traces de tortures graves.
Une première version de cet article avait été publiée à la mi-janvier
sous pseudonyme par l'agence Nena News.-FG
Les luttes autonomes des travailleurs de
l'usine textile de Mahalla Al Kubra depuis 2007 ont ouvert la voie au
renversement de Moubarak en 2011
Al-Sissi a obtenu le contrôle du parlement avec le plus grand nombre
de policiers et de militaires dans l'histoire du pays tandis que
l'Égypte est la lanterne rouge dans tous les classements mondiaux pour
en matière de respect de la liberté de la presse. Pourtant, les
syndicats indépendants ne renoncent pas. Une rencontre animée vient
d'avoir lieu au Centre de service pour les travailleurs et les syndicats
(CTUWS), un des points de référence du syndicalisme indépendant
égyptien.
Bien que la plus grande salle du Centre ait une centaine de places, le soir de la rencontre elle ne pouvait pas contenir tous les militants et de syndicalistes venus de toute l'Égypte pour une assemblée qui était extraordinaire dans le contexte actuel du pays. Le déclencheur de la rencontre était est une circulaire du Conseil des ministres qui recommande une coopération étroite entre le gouvernement et le syndicat officiel ETUF (seule organisation autorisée jusqu'en 2008), avec le but explicite de contrer le rôle des syndicats indépendants et de les marginaliser parmi les travailleurs.
Même si, aujourd'hui le CTUWS n'est pas représentatif de la constellation complexe du syndicalisme indépendant égyptien, son appel a été reçu, peut-être de façon inattendue, par un très grand nombre de syndicats.
En fin de compte, ce sera une cinquantaine de sigles qui signeront la déclaration de clôture, représentant les différents secteurs de l'économie, et de toutes les régions du pays: des transports à l'école, de l'agriculture à l'important secteur informel, du Sinaï à la Haute-Égypte, en passant par le Delta, Alexandrie et Le Caire.
La circulaire du gouvernement constitue une nouvelle attaque contre les droits des travailleurs et les libertés syndicales, fortement restreintes après le coup d'État militaire du 3 juillet 2013, et elle a donc été le catalyseur d'un mécontentement généralisé parmi les travailleurs, mais qui avait eu du mal jusqu'à aujourd'hui à prendre la forme d'initiatives concrètes.
Bien que la plus grande salle du Centre ait une centaine de places, le soir de la rencontre elle ne pouvait pas contenir tous les militants et de syndicalistes venus de toute l'Égypte pour une assemblée qui était extraordinaire dans le contexte actuel du pays. Le déclencheur de la rencontre était est une circulaire du Conseil des ministres qui recommande une coopération étroite entre le gouvernement et le syndicat officiel ETUF (seule organisation autorisée jusqu'en 2008), avec le but explicite de contrer le rôle des syndicats indépendants et de les marginaliser parmi les travailleurs.
Même si, aujourd'hui le CTUWS n'est pas représentatif de la constellation complexe du syndicalisme indépendant égyptien, son appel a été reçu, peut-être de façon inattendue, par un très grand nombre de syndicats.
En fin de compte, ce sera une cinquantaine de sigles qui signeront la déclaration de clôture, représentant les différents secteurs de l'économie, et de toutes les régions du pays: des transports à l'école, de l'agriculture à l'important secteur informel, du Sinaï à la Haute-Égypte, en passant par le Delta, Alexandrie et Le Caire.
La circulaire du gouvernement constitue une nouvelle attaque contre les droits des travailleurs et les libertés syndicales, fortement restreintes après le coup d'État militaire du 3 juillet 2013, et elle a donc été le catalyseur d'un mécontentement généralisé parmi les travailleurs, mais qui avait eu du mal jusqu'à aujourd'hui à prendre la forme d'initiatives concrètes.
Les grévistes de l'usine de pneus Pirelli devant le consulat d'Italie à Alexandrie, juin 2012
Mouvement en crise
Après la révolution de 2011, l'Égypte a connu une expansion
surprenante de l'espace des libertés politiques. On a vu naître des
centaines de nouveaux syndicats, un véritable mouvement, dont le CTUWS a
été parmi les protagonistes, à travers ses activités de soutien et de
formation.
Cependant, au cours des deux dernières années, la répression et la cooptation par le régime ont sérieusement affaibli ces initiatives, de sorte que les deux principales fédérations (l'EDLC et l'EFITU) n'ont pas pu tenir leur assemblée générale en 2013.
Pratiquement chaque syndicat agit désormais pour son propre compte au niveau local ou de branche. La nécessité d'unir et de coordonner les efforts est cependant profondément ressentie, et en témoigne la grande participation à la rencontre, ainsi que les nombreuses interventions qui ont pointé du doigt la fragmentation du mouvement, et a appelé à la nécessité de travailler ensemble, au-delà des courants d'appartenance.
Les interventions se sont succédé par dizaines, concises, souvent passionnés, et avec une approche très opérationnelle: il s'agissait de proposer et de décider ensemble "quoi faire demain matin", un appel répété comme un mantra lors de la réunion, vue l'urgence du moment et la nécessité de définir un plan d'action à court et moyen terme.
À noter la présence d'une forte minorité de femmes, dont les interventions ont été dans certains cas parmi les plus appréciées et applaudies par le public majoritairement masculin. La grande assemblée s'est ensuite conclue par la décision de former un comité aussi représentatif que possible, qui se charge de jeter les bases d'une campagne nationale sur les questions du travail et des libertés syndicales.
Cependant, au cours des deux dernières années, la répression et la cooptation par le régime ont sérieusement affaibli ces initiatives, de sorte que les deux principales fédérations (l'EDLC et l'EFITU) n'ont pas pu tenir leur assemblée générale en 2013.
Pratiquement chaque syndicat agit désormais pour son propre compte au niveau local ou de branche. La nécessité d'unir et de coordonner les efforts est cependant profondément ressentie, et en témoigne la grande participation à la rencontre, ainsi que les nombreuses interventions qui ont pointé du doigt la fragmentation du mouvement, et a appelé à la nécessité de travailler ensemble, au-delà des courants d'appartenance.
Les interventions se sont succédé par dizaines, concises, souvent passionnés, et avec une approche très opérationnelle: il s'agissait de proposer et de décider ensemble "quoi faire demain matin", un appel répété comme un mantra lors de la réunion, vue l'urgence du moment et la nécessité de définir un plan d'action à court et moyen terme.
À noter la présence d'une forte minorité de femmes, dont les interventions ont été dans certains cas parmi les plus appréciées et applaudies par le public majoritairement masculin. La grande assemblée s'est ensuite conclue par la décision de former un comité aussi représentatif que possible, qui se charge de jeter les bases d'une campagne nationale sur les questions du travail et des libertés syndicales.
Je suis prêt à demander le divorce à la mère de mes enfants
Je ne laisserai pas tomber mes camarades
Ouvrier de Pirelli
Je ne laisserai pas tomber mes camarades
Ouvrier de Pirelli
Conférences régionales
L'idée
est d'organiser une série de conférences régionales débouchant en
quelques mois sur une grande assemblée nationale et, éventuellement, une
manifestation unitaire de protestation ("à Tahrir!», ont également dit
certains des participants, évoquant la place qui a été le théâtre de la
saison révolutionnaire de la période 2011-2013, et qui, depuis plus de
deux ans, est interdite à toute forme de protestation).
L'ordre du jour semble très large, et comprend parmi les objectifs fondamentaux celui de contrer la loi 18 de 2015, qui a récemment ciblé les travailleurs du secteur public, et a été fortement contestée ces derniers mois.
Pendant ce temps, ces derniers jours, dans différentes régions du pays, d'Assiout à Suez et au Delta, les travailleurs de l'industrie textile, du ciment, du BTP, ont déclenché des grèves illimitées : la plupart du temps leurs revendications concernent l'extension des droits salariaux et des indemnités réservées aux entreprises publiques.
Revendications des travailleurs:
Abandon des poursuites
Responsabilité sociale
Application de la grille des salaires
Participation aux bénéfices
Respect des conventions collectives Les travailleurs de Pirelli Alexandrie
L'ordre du jour semble très large, et comprend parmi les objectifs fondamentaux celui de contrer la loi 18 de 2015, qui a récemment ciblé les travailleurs du secteur public, et a été fortement contestée ces derniers mois.
Pendant ce temps, ces derniers jours, dans différentes régions du pays, d'Assiout à Suez et au Delta, les travailleurs de l'industrie textile, du ciment, du BTP, ont déclenché des grèves illimitées : la plupart du temps leurs revendications concernent l'extension des droits salariaux et des indemnités réservées aux entreprises publiques.
Revendications des travailleurs:
Abandon des poursuites
Responsabilité sociale
Application de la grille des salaires
Participation aux bénéfices
Respect des conventions collectives Les travailleurs de Pirelli Alexandrie
Nouvelle vague de grèves
Ce sont des avantages dont ces travailleurs ont cessé de bénéficier à
la suite de la vague massive de privatisations de la dernière période
de l'ère Moubarak.
Après la révolution de 2011 beaucoup de ces privatisations ont été portées devant les tribunaux, qui ont souvent déclaré leur nullité, notant plusieurs cas d'irrégularités et de corruption.
Ces grèves sont pour la plupart sans liens entre elles et en grande partie déconnectées du monde du syndicalisme indépendant qui s'est rencontré au Caire.
Mais elles représentent une réalité très importante, pour au moins deux raisons. D'une part, même si ce n'est pas d'une manière tout à fait explicite, elles contestent le cœur de la transformation néolibérale du pays, qui a subi une forte accélération à partir de 2004, et à laquelle les soulèvements populaires ayant éclaté en janvier 2011 avec le slogan "Pain, Liberté, Justice sociale "ne sont pas parvenus à porter un coup d'arrêt.
L'autre aspect est que, dans un contexte autoritaire et répressif comme celui de l'Égypte l'ancien général al-Sissi, le simple fait qu'il existe des initiatives populaires et spontanées qui brisent le mur de la peur est en soi un coup de pouce majeur pour le changement.
Défier l'état d'urgence et l'appel à la stabilité et à la paix sociale justifiés par la «guerre contre le terrorisme», cela signifie aujourd'hui, fût-ce indirectement, remettre en question la base même de la rhétorique par laquelle régime justifie son existence et sa répression de la société civile.
Après la révolution de 2011 beaucoup de ces privatisations ont été portées devant les tribunaux, qui ont souvent déclaré leur nullité, notant plusieurs cas d'irrégularités et de corruption.
Ces grèves sont pour la plupart sans liens entre elles et en grande partie déconnectées du monde du syndicalisme indépendant qui s'est rencontré au Caire.
Mais elles représentent une réalité très importante, pour au moins deux raisons. D'une part, même si ce n'est pas d'une manière tout à fait explicite, elles contestent le cœur de la transformation néolibérale du pays, qui a subi une forte accélération à partir de 2004, et à laquelle les soulèvements populaires ayant éclaté en janvier 2011 avec le slogan "Pain, Liberté, Justice sociale "ne sont pas parvenus à porter un coup d'arrêt.
L'autre aspect est que, dans un contexte autoritaire et répressif comme celui de l'Égypte l'ancien général al-Sissi, le simple fait qu'il existe des initiatives populaires et spontanées qui brisent le mur de la peur est en soi un coup de pouce majeur pour le changement.
Défier l'état d'urgence et l'appel à la stabilité et à la paix sociale justifiés par la «guerre contre le terrorisme», cela signifie aujourd'hui, fût-ce indirectement, remettre en question la base même de la rhétorique par laquelle régime justifie son existence et sa répression de la société civile.
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